La joie du retour aux études à l’âge de 61 ans

Je n’ai jamais été et ne serai jamais indifférent à ce qui se passe autour de moi. Les injustices (sociales ou autres), la corruption, les abus de pouvoir, la violence et les politiques qui vont à l’encontre de mes valeurs m’interpellent et me font réagir fréquemment. J’aime aussi m’exprimer sur ce qui me fascine : le monde des océans, les découvertes scientifiques, notamment en astrophysique, les avancées technologiques, les livres, l’écriture, etc. Je le fais à l’occasion par le biais de chroniques du type « Opinion du lecteur » dans les quotidiens. Mais ces chroniques limitent la plupart du temps les opinions à moins 500 ou 1000 mots, ce que je trouve parfois trop peu. Profitant des possibilités qu’offre le web, je crée ce blogue pour m’exprimer de façon un peu moins contraignante, au gré de l’actualité et des événements qui vont influencer ma vie. En cette période électorale, j’ai pensé rédiger un premier billet qui exprimerait mon ras-le-bol de la politique et des politiciens magouilleurs, mais j’ai finalement décidé d’y aller avec quelque chose de beaucoup plus simple : « La joie du retour aux études à l’âge de 61 ans ».

J‘ai toujours adoré l’ambiance qui règne sur un campus universitaire. Ayant étudié en génie physique et en océanographie, j’ai passé plusieurs années sur les campus des universités Laval, McGill et Dalhousie, en plus d’arpenter celui du MIT pendant quelques semaine, lors d’un stage en modélisation numérique, ainsi que les bâtiments de l’UQAM pour des cours d’espagnol comme étudiant libre. Mais depuis 1990, je n’ai pénétré dans des institutions universitaires que lors de congrès, de formations courtes (short courses) ou de rencontres scientifiques. Mais à chaque fois, j’ai ressenti une excitation particulière qui m’a fait m’ennuyer de cette énergie si particulière qui l’on retrouve dans les milieux estudiantins de haut niveau.

Le 22 juillet dernier j’ai quitté la fonction publique fédérale après 17 années passées au service d’Environnement Canada. Quelques jours plus tard, alors que la date du 5 août marquait mon soixante-et-unième anniversaire, j’étais inscrit à un cours intensif d’écriture scénaristique donné par le Centre de création scénique ainsi qu’au certificat en scénarisation cinématographique offert par l’UQAM. Ce n’était pourtant pas prévu dans mon plan de carrière. Six mois plus tôt, je ne pensais pas prendre ma retraite du fédéral au cours de l’année 2013 et je ne pensais surtout pas retourner aux études. Mais une opportunité s’est présentée, ce qui m’a permis de quitter environ vingt-quatre mois plus tôt que prévu. J’en ai donc profité pour m’inscrire aux cours en scénarisation (d’autres en communication vont débuter en janvier prochain).

Depuis que mes cours ont débuté, les premiers jours de septembre, j’éprouve un réel plaisir et j’ai l’impression d’avoir rajeuni de vingt, sinon trente ans ! Les cours sont intéressants, les professeurs, passionnés, compétents et exigeants, les étudiants, intéressés et sympathiques. J’apprends énormément et j’adore cela. Au début, lorsque je me suis présenté à l’UQAM pour faire faire ma carte d’étudiant et que j’ai vu les jeunes dans la vingtaine qui m’entouraient, je me suis senti comme un vieux schnoque hors contexte et me suis demandé ce que je faisais là. Ce fut un peu la même chose lorsque les cours ont débuté et il est fort probable que les p’tits jeunes devaient aussi se demander ce que je faisais là. Je me demandais comment mes neurones allaient performer comparativement à ceux de ces étudiants en pleine possession de leurs moyens. Si je me posais cette question, ce n’est pas parce que mes neurones ne fonctionnaient pas dans le cadre de mon boulot au gouvernement. Il y avait là aussi des jeunes qui m’entouraient, j’avais des défis à relever, des produits à livrer, des règles et des échéances à respecter, des évaluations à passer. De plus, j’ai suivi régulièrement des cours de perfectionnement, mais le contexte universitaire, c’est tout de même autre chose.

On est maintenant passé la mi-session; j’ai eu des travaux à remettre et un examen à passer. Tout s’est bien déroulé. Je suis enchanté d’avoir fait ce choix qui a paru bizarre à plus d’un dans mon entourage. C’est même lorsque je suis sorti de l’examen que j’ai ressenti la plus grande joie. Avant de le passer, j’étais un peu anxieux et ne savait pas trop à quoi m’attendre. Mais, ça s’est vraiment bien passé et j’ai même été l’un des premiers à sortir de la classe. Je me suis alors dit « Je suis encore capable d’apprendre, même si j’ai quarante ans de plus que certains de mes collègues étudiants ».

Qu’est-ce qui m’a donc incité à suivre des cours en scénarisation et en communication, moi qui ai œuvré dans le domaine des sciences de la mer et de l’environnement au cours des trente-cinq dernières années? C’est que pendant toutes ces années, j’ai touché régulièrement au monde de la communication et de la vulgarisation scientifique. Non seulement j’ai fait des dizaines de présentations orales pour différents publics, mais j’ai aussi écrit de nombreux textes vulgarisés pour des projets muséaux et pour la réalisation d’ouvrages documentaires (livres et multimédias) destinés au grand public. J’ai beaucoup aimé ce travail d’écriture qui a pour but de rendre accessible au plus grand nombre des concepts parfois complexes et difficile à comprendre*. De fil en aiguille, cela m’a donné le goût d’écrire des textes de fiction. J’ai écrit un premier roman au début des années 1990, mais ne le trouvant pas suffisamment réussi, je ne l’ai jamais présenté à un éditeur. Puis, en 1996, j’en ai débuté un second : Le Livre du Pouvoir. Après bien des péripéties, ce roman d’aventure à caractère historique a été publié en septembre 2012 par les Éditions Mots en toile. Comme tout auteur, je m’inquiétais de l’accueil que les lecteurs et lectrices lui réserveraient, mais les commentaires reçus m’ont rassuré. Cependant, nos libraires se voyant offrir quelque chose comme vingt milles titres de fiction en français à chaque année et ni moi, ni mon éditeur n’étant très connus, il est difficile de les convaincre d’acquérir des copies de mon roman. C’est la même situation avec les chroniqueurs littéraires qui se font prier, ne serait-ce que pour accepter de lire les nouveaux auteurs publiés par des petites maisons d’édition – ce sera le sujet de mon prochain billet. J’ai donc décidé de transformer mon roman en scénario de film pour continuer à le faire connaître. Mais avant de le faire, j’avais besoin d’améliorer mes connaissances de l’écriture scénaristique. C’est ainsi que je me suis inscrit au CCS et à l’UQAM pour mon plus grand plaisir. En fin de compte, je dois correspondre à ce type d’individus qu’on appelle les « éternels étudiants », expression qui a souvent une connotation péjorative, mais que je considère plutôt comme un compliment.  

* Sans vraiment m’en rendre compte, je l’ai fait dès l’âge de 13 ans. En 1966, estimant qu’il n’y avait pas de livre suffisamment complet sur le sujet, j’ai écrit un livre sur les fusées. J’ai alors tout fait : rassemblé les données de base, dactylographié le texte, dessiné les illustrations et les graphiques, et fait la mise en page. Dans l’onglet « Écrits de jeunesse » de mon site web, on peut voir quelques une des pages de ce livre demeuré dans l’anonymat de mes tiroirs de bureau.

 

Serge Lepage

7 novembre 2013

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