De grâce, ne contribuons pas à la réélection de Machiavel!

 

Les élections fédérales 2015 sont à nos portes et comme beaucoup de mes concitoyens, j’espérais qu’à cette occasion on se débarrasserait du gouvernement conservateur de Stephen Harper. En août dernier, la chose semblait très possible, les sondages montrant que le NPD de Thomas Mulcair faisait cavalier seul au Québec et avait plusieurs point d’avance sur ses concurrents Libéraux et Conservateurs pour l’ensemble du Canada. Mais sans compter le machiavélisme de notre cher premier ministre sortant et l’affaire bien orchestrée du niqab. Comme l’avait certainement prévu Harper, Thomas Mulcair et Justin Trudeau sont tombés à deux pieds dans le panneau et depuis, la donne a complètement changée. Depuis la prise de position de Thomas Mulcair en faveur du port du niqab, il ne mène plus que par 5 – 6 points de pourcentage au Québec et se retrouve au troisième rang au Canada, derrière les Conservateurs, en première place, et les Libéraux, en seconde. Et voilà le spectre d’un autre gouvernement Conservateur qui pointe à l’horizon, car on se doute bien qu’Harper va marteler son message jusqu’à la veille des élections et qu’il cache peut-être d’autres jokers dans ses manches. Car c’est la force de cet homme. Il sait très bien manœuvrer, manipuler la population. Il l’a très bien démontré depuis qu’il a pris le pouvoir, en février 2006, car même lorsqu’il était minoritaire il parvenait régulièrement à déculotter ses adversaires qui ne le voyaient pas venir. On n’a qu’à se rappeler l’affaire de la reconnaissance de la nation québécoise, en novembre de la même année. 

Je ne suis pas le seul à le dire, il est effarant qu’une telle manipulation utilisant bout de tissu porté par un petit groupe de femmes soit en voie de contribuer à la réélection d’un gouvernement dont le bilan est plus que déplorable. Personnellement, je suis totalement contre le port du voile intégral, tant pour l’assermentation des nouvelles citoyennes que pour la prestation de services par les fonctionnaires de tous les niveaux de gouvernement. Je n’en ai pas que contre le voile intégral, je n’ai jamais aimé les accoutrements religieux quels qu’ils soient, aussi bien ceux de nos religieux catholiques que ceux des Sikhs ou des Juifs hassidiques. Mais ce n’est pas parce que Stephen Harper ne manque pas d’afficher sur toutes les plateformes médiatiques son refus du port du voile intégral lors de l’assermentation que je vais voter pour lui. Déjà que je ne me suis toujours senti comme un citoyen canadien de seconde classe, d’où ma ferveur souverainiste, cet homme a tranquillement détruit ce qu’il y avait de mieux au Canada et si un gouvernement Conservateur est réélu pour un autre quatre années, il n’en restera pas grand-chose. Voici pourquoi rien ne pourrait m’inciter à voter pour les Conservateurs de Stephen Harper le 19 octobre prochain :

 

  • Depuis 10 ans, Stephen Harper s’est moqué de la démocratie et a tranquillement fait glisser le pays vers un autoritarisme jamais vu ici, surtout depuis qu’il a formé un gouvernement majoritaire, en mai 2011. Il a démontré du mépris envers la cours suprême du pays, ce qui n’est pas rien pour un premier ministre en poste, ainsi qu’envers les processus parlementaires, déposant des projets de lois omnibus pour modifier en un seul jet des dizaines de lois en vigueur, limitant le temps réservé aux débats, utilisant le bâillon et prorogeant le gouvernement à quatre reprises.
  • Il a démontré un mépris plus qu’évident envers la fonction publique canadienne en coupant 25 000 postes, en effectuant d’importantes compressions budgétaires, en modifiant le régime des pensions et des avantages sociaux, en prenant le contrôle total des communications, en muselant les scientifiques, en diminuant les normes de surveillance dans le secteur de l’alimentation et des transports, en fermant des laboratoire et des bibliothèques, et faisant jeter à la poubelle des dizaines de milliers de livres et de documents gouvernementaux. Stephen Harper a même eu le culot de nommer Gary Goodyear, un créationniste, au poste de ministre d’État des Sciences et Technologies! 
  • Stephen Harper a démontré le même mépris pour CBC/Radio-Canada, coupant les vivres à la société d’État et mettant en péril l’existence même de notre télévision nationale. Les rumeurs veulent que s’il est réélu, il va continuer ses coupes sombres et mettre en vente les bâtiments de la CBC/Radio-Canada.
  • Concernant les relations du gouvernement Harper avec le monde syndical, il ne fait aucun doute que ce sont les intérêts du patronat qui sont priorisés, les grèves ayant à peine le temps d’être déclenchées qu’elles sont déjà interdites. Depuis son accession au pouvoir, ce gouvernement a clairement favorisé les plus nantis et les entreprises, ayant baissé leurs impôts et fait du Canada le pays ayant les plus bas impôts corporatifs de tous les pays du G-7. Par contre, moins de 30% des chômeurs touchent maintenant des prestations d’assurance-emploi, le quart des aînés sont dans la misère et 75% des personnes qui œuvrent dans le secteur privé n’ont pas de régime de retraite.
  • Un autre mépris clairement affiché par Stephen Harper est celui de l’environnement. Alors que l’état de la planète se détériore, que le réchauffement climatique se fait sentir de façon de plus en plus prononcée, particulièrement dans le nord du Canada, et qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre, Stephen Harper s’est obstiné à subventionner l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta. Voulant que le Canada devienne une superpuissance pétrolière, il a modifié toute une série de lois et de règlements de protection de l’environnement pour favoriser cette industrie. Il a de plus éliminé le Bureau du conseiller national des sciences, aboli la Table ronde nationale sur l'environnement et refusé de financer la Fondation canadienne pour les sciences du climat. Jugeant qu’il était insensé de réglementer les émissions du secteur pétrolier et gazier alors que les prix des hydrocarbures étaient à la baisse, il s’est opposé à toute mesure sérieuse de réduction des gaz à effet de serre et a même retiré le Canada du Protocole de Kyoto, faisant de notre pays un véritable paria de l’environnement. À chaque été, Stephen Harper se rend dans le grand nord pour affirmer la souveraineté du Canada sur ses territoires arctiques. Mais malgré le fait que c’est là où les changements climatiques se font le plus sentir, il s’abstient bien d’en parler, car il ne s’intéresse pas à ce problème. Par contre, c’était une priorité absolue de retrouver les navires de Franklin, encore une fois question de souveraineté.
  • Stephen Harper affiche également du mépris pour les organisations humanitaires et un manque total de compassion à l’égard des victimes des conflits armés, se montrant particulièrement cinglant envers les Palestiniens. Sous sa gouverne, le nombre de réfugiés acceptés par le Canada a diminué de façon notable et l’aide gouvernementale aux organisations humanitaires canadiennes a été grandement amputée. Sur la base de ses convictions religieuses, Stephen Harper n’a pas hésité une seconde à utiliser son pouvoir pour orienter de façon abusive le travail de ces organisations, abolissant notamment le soutien au contrôle des naissances, alors que les subventions aux organisations religieuses ayant pour mission de propager la foi se sont faites de plus en plus généreuses.
  • Au Canada aussi, les droits des femmes ont été mis à mal par le gouvernement Harper. Ce dernier a aboli la clause d’équité salariale dans la fonction publique, il a coupé dans le financement de groupes de femmes et à l’encontre de la Loi canadienne sur la santé, il est demeuré sourd au manque d’offre de services d’avortement dans une majorité d’hôpitaux canadiens. Lui qui se veut un exemple en matière de répression de la criminalité, Stephen Harper a refusé obstinément toute enquête sur la disparition  et le meurtre de près de mille-deux-cents femmes autochtones au Canada en une trentaine d’années.
  • Sa politique en matière de criminalité est basée sur la construction de plus de prisons, l’incarcération des jeunes contrevenants, l’imposition de peines minimales plus sévères, l’abolition de la libération conditionnelle des criminels non violents au sixième de leur peine et l’incarcération à vie sans possibilité de libération pour les plus violents. Il prônerait le retour de la peine de mort qu’on ne serait pas surpris, mais qu’on se le dise, les Canadiens peuvent posséder toutes les armes à feu qu’ils désirent. Il faut mettre une plaque d’immatriculation sur une remorque, mais pas besoin d’enregistrer ses armes à feu dans un registre national!
  • Stephen Harper a complètement changé l’image du Canada à l’international, et pas seulement à cause de sa politique, ou de son manque de politique, environnementale. Il a un parti-pris pour l’état d’Israël qui frise la folie. Adieu la belle politique internationale favorisant la négociation  entre les peuples pour laquelle le Canada était reconnu. Contrairement à Lester B. Pearson, qui avait propulsé le Canada dans un noble rôle de gardien de la paix et initié la création des Casques bleus de l’ONU, dans les années 1960, Stephen Harper ne daigne même pas assister aux sessions de l’ONU!
  • Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement Harper donne du Canada l’image d’un pays belliqueux prêt à envoyer des militaires partout dans le monde à la moindre alerte. Obsédé de sécurité nationale, il a accepté l’usage d’aveux obtenus par la torture dans d’autres pays comme base de détention de prévenus et fait fi de La Convention relative aux droits de l’enfant, pourtant signée et ratifiée par le Canada, en refusant de considérer Omar Khadr comme un enfant-soldat, lui qui n’avait que 15 ans lorsqu’il a été fait prisonnier, et en refusant de l’aider alors qu’il était emprisonné dans l’horrible prison américaine de Guantanamo. Le considérant comme un criminel des plus dangereux, il s’est même acharné pour que Khadr demeure incarcéré depuis que son rapatriement au Canada.
  • Imbus d’un patriotisme militaire douteux, Stephen Harper a essayé de mousser son patriotisme par de puériles commémorations de la guerre canado-américaine de 1812. Glorifiant de façon outrancière la monarchie britannique, il a troqué des œuvres d’art de peintres canadiens pour de portraits de Sa Majesté et doté les forces armées canadiennes de l’épithète « Royales ».

 

En fouillant, on pourrait encore en rajouter, mais je vais m’arrêter ici, car les raisons sont suffisantes pour voter pour n’importe qui sauf les Conservateurs, pour voter de façon stratégique pour qu’ils ne soient pas réélus. Oui, le niqab est rejeté par 82 % des Canadiens et 93 % des Québécois! Mais avec un bilan comme celui affiché par le gouvernement de Stephen Harper, c’est loin d’être suffisant pour changer son vote comme semble vouloir le faire de trop nombreux Canadiens. Je ne peux pas croire que ce mauvais rêve va se réaliser le 19 octobre prochain, que les Canadiens, et surtout les Québécois, vont modifier leur intention de vote à cause du port du niqab par quelques femmes musulmanes, au lieu de profiter des élections pour se débarrasser d’un politicien qui a détruit petit à petit la vie démocratique canadienne depuis dix ans et qui n’a d’autre objectif que de nous imposer un Canada dans lequel il est impossible de se reconnaître. Le 19 octobre prochain, ne ratons pas cette chance. Comme l’affirme si justement David Suzuki, « La réélection des conservateurs, le 19 octobre prochain, serait catastrophique pour le Canada ». J’ajouterais, que même minoritaire, un gouvernement Conservateur sera néfaste pour le Canada. 

Si, malgré tout, Stephen Harper est réélu lors des prochaines élections, ma seule consolation sera de penser qu’un autre règne des Conservateurs poussera peut-être, je dis bien peut-être, les Québécois à se libérer, lors des prochaines élections québécoises, de ce pays qui n’est plus le « Plus meilleur pays du monde » de Jean Chrétien. 

 

Serge Lepage

1er octobre 2015

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